Suivi à distance des patients atteints de COVID-19, Norvège

JII COVID-19
15 Février 2021
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 IND Case Study 2021: Remote Monitoring of COVID-19 Patients, Norway

Photo 1 : infirmières au centre d'intervention, de gauche à droite : Birgitte Cetin, Therese Hauge, Vibeke Tellmann et Mariell W. Borge

 

La population de Bodø, en Norvège, a été relativement épargnée par la pandémie de COVID-19. Au mois de novembre 2020 inclus, il n’y a eu que 150 cas confirmés (0,28 % d’incidence) et aucun décès. Les services sanitaires et sociaux n’étaient néanmoins pas suffisamment préparés pour relever les défis de la pandémie et assurer en même temps les services de santé habituels. Il fallait donc repenser la manière dont les services de santé étaient dispensés et trouver de nouvelles solutions innovantes pour maximiser l’efficacité des moyens limités à disposition.

Comme plusieurs autres municipalités norvégiennes, Bodø est confrontée à des défis en matière de ressources infirmières. La pénurie d’infirmières et d’autres prestataires de soins de santé, l’accès limité aux équipements de protection individuelle (EPI) et la capacité limitée en lits dans les établissements municipaux étaient trois enjeux essentiels qu’il fallait résoudre de toute urgence.

La surcharge de travail et le risque d’exposition à l’infection et sa propagation chez les infirmières et les autres prestataires de soins de santé constituaient des préoccupations supplémentaires. La quarantaine et l’isolement des infirmières infectées mettaient en péril la qualité des soins dispensés.

Très vite, il est apparu qu’il fallait mettre en place un système pour s’assurer que les patients respectent les règles d’isolement, tout en prévoyant un suivi de leur état de santé pour détecter de façon précoce toute détérioration, notamment l’hypoxie silencieuse.

Bodø compte parmi les six municipalités participant actuellement, au niveau national, à un essai contrôlé avec répartition aléatoire des sujets, sur le suivi à distance des patients atteints de maladies chroniques. On apprend aux patients à mesurer et rendre compte de leurs signes vitaux et de leur état de santé sur smartphone ou tablette à un centre d’intervention, où les données sont recueillies et analysées au quotidien. Une réponse appropriée est alors apportée en fonction des résultats. L’objectif de ce projet est de trouver de nouvelles options, fiables, pour les futurs services de santé afin d’émettre des recommandations nationales sur la façon dont les services de santé devraient être organisés, gérés et mis en œuvre. Le projet vise également à déterminer si le suivi à distance peut conduire à une utilisation plus ciblée des infirmières et de leur expertise.

La municipalité de Bodø disposant déjà d’une solution pour le suivi à distance des patients et d’un centre d’intervention doté d’infirmières formées, il a été estimé que ce système serait la solution la plus rapide et viable pour relever les défis supplémentaires posés par la pandémie, d’autant plus que les infrastructures requises étaient déjà en place.

Un groupe composé de quatre médecins, d’un consultant en cybersanté et d’infirmières a été mis en place pour définir les critères d’éligibilité des patients. Deux groupes de patients atteints de COVID-19 ont été identifiés comme correspondant le mieux au suivi à distance : ceux placés en isolement à domicile et ceux admis en salles d’isolement dans l’hôpital de proximité. L’éligibilité des patients était fonction de leur état clinique et du risque potentiel de détérioration rapide. En outre, un questionnaire sur les signes et les symptômes (malaise, mal de gorge, toux, difficultés respiratoires, etc.) a été élaboré pour compléter une liste de signes vitaux (niveau de saturation de l’oxygène dans le sang, température, tension artérielle, etc.) devant être contrôlés. Un organigramme prédéfini a été créé pour aider le patient et les infirmières du centre d’intervention à décider quand une intervention est indiquée et quel type d’action médicale est justifiée. L’organigramme triait automatiquement les patients en fonction de leurs données contrôlées, avec des données provenant de capteurs et des données signalées par le patient. L’organigramme se voulait simple pour faciliter le suivi individuel des patients, leur participation à la prise de décision et la gestion de leur propre maladie.

Le système proposé comportait trois éléments : une application de compte rendu pour l’utilisateur final, une application Web pour rassembler et analyser les données et un centre d’intervention doté d’infirmières qualifiées. Toutes les applications ont été conçues en collaboration avec la société de télécommunications Telenor / Tellu. La conception simple de l’application était essentielle pour garantir l’adhésion des patients et la fiabilité des données. L’application pouvait être téléchargée et installée sur le smartphone personnel du patient ou sur une tablette fournie par la municipalité. Pour veiller au respect de la réglementation relative à la confidentialité et la sécurité numériques, les patients devaient se connecter sur leur compte en utilisant un code d’identification électronique sécurisé (BankID). En outre, tous les participants devaient signer un formulaire de consentement.

Les patients ont reçu l’équipement requis avec des instructions sur la façon de mesurer leurs propres signes vitaux. Une fois l’application installée, les patients ont répondu à une enquête concernant leurs antécédents médicaux, les informations générales pertinentes et les symptômes existants. Par la suite, les patients ont été invités à rendre compte de leurs symptômes et de leurs signes vitaux en vue d’une évaluation quotidienne.

L’application a également été utilisée pour envoyer des instructions et des informations pertinentes aux patients, par exemple, sur la façon de mesurer correctement leurs signes vitaux, la fin de la période d’isolement, l’actualisation des règles de quarantaine, etc. L’application fournissait également des informations dans plusieurs langues pour que des étrangers et des touristes puissent l’utiliser.

Tous les patients ont fait l’objet d’une évaluation du risque de détérioration grave de leur état de santé du fait de l’infection à la COVID-19. Les patients ont ainsi été divisés en deux groupes de risque : risque faible ; et risque moyen à élevé. D’après cette évaluation du risque, le contrôle et le suivi ont été individualisés. Les patients à faible risque devaient mesurer et déclarer uniquement leur température corporelle et répondre à un questionnaire concernant leurs signes et leurs symptômes. Les patients du groupe à risque moyen à élevé devaient signaler tous leurs signes vitaux et disposaient d’une communication sans fil avec l’application qui transmettait automatiquement les données au système.

La collecte et l’analyse des données ont été effectuées à distance à travers une application Web dans un centre d’intervention. Les infirmières du centre d’intervention, en collaboration avec le médecin généraliste du patient, avaient la responsabilité médicale du suivi et du contrôle des patients en isolement à domicile. Pour les patients admis en salle d’isolement, cette responsabilité était déléguée à l’infirmière de garde et au médecin du service. Les infirmières du centre d’intervention pouvaient suivre les patients par tchat, vidéo ou téléphone et, le cas échéant, contacter les services d’urgence.

Les objectifs suivants ont été fixés pour le suivi à distance :

  • réduire l’exposition et donc le risque d’infection du personnel de santé, ce qui, de plus, permettait d’éviter la propagation de la maladie à des groupes de patients à risque et dans les établissements de soins
  • suivre en même temps un grand groupe de patients, avec un nombre limité d’infirmières et d’autres personnels de santé
  • identifier tôt les personnes présentant un risque de détérioration et nécessitant une aide médicale immédiate et / ou une hospitalisation • assurer sécurité et réconfort aux patients placés en isolement à domicile
  • utiliser de façon rationnelle le temps et les ressources des infirmières
  • créer un canal de communication efficace entre les patients en isolement et les infirmières municipales
  • réduire au minimum l’usage des EPI en évitant les visites en personne des infirmières

Au total, 68 patients ont été recrutés entre les mois de mars et de novembre (58 en isolement à domicile, 10 en salles d’isolement). En réduisant la fréquence des contacts directs avec les patients infectés, le risque d’exposition des infirmières à l’infection a également diminué. Cela a contribué à contenir la pandémie et à la maintenir hors des établissements de santé, à protéger la population de patients à haut risque des établissements et à maintenir un taux de mortalité à zéro pour cent.

L’un des principaux défis de la pandémie réside dans l’absence d’accès aux EPI. En réduisant la fréquence des contacts directs avec les patients contagieux, le nombre de fois au quotidien où l’on a utilisé un EPI a été réduit d’environ 60 à 100 % dans les salles d’isolement de l’hôpital de proximité, en fonction de l’état et des besoins du patient. Cette mesure a également eu un avantage indirect en termes de rentabilité. Le suivi des patients à domicile a permis d’alléger la pression sur les lits d’hôpitaux et d’établissements, les libérant pour les patients gravement malades. Aucun effet indésirable n’a été signalé et aucun problème majeur n’a été constaté pour ce qui est du respect des règles par les patients, les règles d’isolement à domicile ayant été respectées à 100 %.

Malgré la force et l’adaptabilité de ce système, nous avions deux défis : l’une des conditions préalables était que le patient soit capable de coopérer de façon active et de procéder lui-même à l’examen et à l’évaluation de son état de santé – les patients souffrant de troubles cognitifs étaient donc exclus d’emblée ; ensuite, un groupe de patients n’était pas rassuré à l’idée d’utiliser des solutions numériques, il s’est donc vu proposer une autre option. Les patients ont reçu les mêmes capteurs, mais l’ensemble du suivi a été assuré par téléphone, une infirmière enregistrant les données dans le système.

Avec la conception à venir de technologies de capteurs, de suivi et de comptes rendus automatisées, la participation active du patient ne sera plus requise et les possibilités d’adapter les applications à d’autres problèmes de santé et groupes de patients augmenteront.

Grâce au suivi à distance, la municipalité de Bodø a réussi à créer un outil permettant un suivi efficace des patients atteints de COVID-19. Cela a permis de suivre un plus grand nombre de patients avec moins de ressources infirmières que si l’on avait suivi une procédure médicale classique. En outre, moins d’EPI ont été utilisés. Grâce au suivi à distance, nous pouvons détecter et prendre en charge plus tôt les complications graves telles que l’hypoxie silencieuse, et in fine réduire le taux de mortalité. Nous estimons que le suivi à distance est un outil fiable, réalisable et rentable.