Le Conseil d’administration du Conseil International des infirmières (CII), réuni cette semaine à Genève, a exprimé sa profonde inquiétude face aux propositions du Département de l’éducation des États-Unis visant à retirer les études infirmières de la liste des diplômes professionnels reconnus donnant droit à un soutien fédéral complet pour les prêts étudiants. Le CII appuie la position de l’American Nurses Association (ANA) s’opposant à ce reclassement, qui restreindrait sévèrement les possibilités de prêts et d’annulation de prêts pour les étudiants en master, doctorat et pratique avancée en sciences infirmières, avec des conséquences négatives importantes pour la main-d’œuvre infirmière et l’accès des patients aux soins.
Le CII prend position car ce qui se passe aux États-Unis reflète des défis observés dans le personnel infirmier mondial. Partout, les pays sont confrontés à des pénuries d’infirmières, à un fort épuisement professionnel, au vieillissement du personnel, à un manque d’enseignants en sciences infirmières et à un besoin urgent de stratégies plus solides de développement de carrière et de rétention. Les États-Unis n’échappent pas à ces pressions ; en réalité, leurs pénuries d’infirmières praticiennes, le manque d’enseignants et la perte persistante de personnel reflètent les tendances observées dans de nombreux pays. Restreindre le financement et l’accès à la formation infirmière diplômante dans un pays majeur risque d’affecter négativement les systèmes de santé plus largement, à un moment où l’investissement est plus que jamais nécessaire.
Cet enjeu est d’autant plus crucial que les formations de niveau master et doctorat sont essentielles pour l’obtention des autorisations de pratique avancée, pour garantir des soins primaires et spécialisés sûrs et de haute qualité, ainsi que pour alimenter le vivier d’enseignants et de formateurs en soins infirmiers. Limiter l’accès à ces formations compromet non seulement le développement de la pratique avancée, mais menace également l’avenir du corps enseignant qui doit former la prochaine génération d’infirmières et maintenir des normes élevées de qualité des soins.
Par son rôle de co-présidence du rapport de l’Organisation mondiale de la Santé L’État des soins infirmiers dans le monde et sa contribution à l’élaboration des Orientations stratégiques mondiales pour les soins infirmiers et obstétricaux (SDNM), le CII a constamment mis en lumière les données mondiales concernant les besoins des systèmes de santé face aux défis présents et futurs. Ces données sont claires : la pratique infirmière avancée est indispensable pour développer les soins de santé primaires, améliorer l’accès aux services spécialisés et communautaires, et répondre aux demandes croissantes liées au vieillissement de la population, aux maladies non transmissibles et aux besoins des communautés rurales et isolées. Alors que le monde fait déjà face à une pénurie de 5,8 millions d’infirmières, toute mesure limitant l’accès aux études supérieures en sciences infirmières risque d’affaiblir les systèmes de santé précisément lorsqu’ils ont besoin d’être renforcés. Le rapport SOWN et les SDNM, développés avec le CII et approuvés à l’unanimité par les ministres de la santé du monde entier, appellent à un investissement urgent dans la formation infirmière, le développement du corps enseignant, l’emploi et les rôles de pratique avancée, éléments essentiels pour atteindre les objectifs mondiaux en matière de santé.
La proposition de reclassement aux États-Unis intervient alors que le pays fait face à une pénurie croissante d’infirmières, à des lacunes critiques en soins primaires et à une diminution de l’accès aux soins dans de nombreuses communautés. Depuis 2022, plus de 138 000 infirmières ont quitté la profession, et 40% déclarent envisager de partir d’ici 2029. Parallèlement, les États-Unis font face à une grave pénurie d’enseignants, ce qui a entraîné le refus de plus de 80 000 candidatures pourtant qualifiées aux programmes en sciences infirmières l’an dernier, faute de capacité d’accueil. Ce manque d’enseignants menace toute la chaîne de formation des futurs professionnels de santé, et ne fera qu’empirer si les infirmières perdent le soutien financier nécessaire aux diplômes de troisième cycle qui leur permettent de devenir praticiennes avancées et enseignantes.
Le président du CII, José Luis Cabos Serrano, a déclaré :
« Les implications de cette proposition auraient un impact direct sur les effectifs infirmiers, les résultats de santé et l’accès des patients aux soins. Les formations de niveau master et doctorat permettent aux infirmières praticiennes, aux infirmiers anesthésistes certifiés, aux cliniciennes spécialisées et aux sages-femmes diplômées de fournir des soins de haute qualité — et elles sont souvent les seules professionnelles accessibles dans les régions sous-desservies. Comme l’indiquent les nouvelles définitions du CII, les sciences infirmières constituent une profession hautement qualifiée et fortement réglementée, et il est indispensable que les programmes universitaires en sciences infirmières restent reconnus comme des diplômes professionnels afin que la main-d’œuvre infirmière, y compris les praticiennes avancées et les formatrices, puisse répondre aux défis de santé actuels et futurs. Le Conseil international des infirmières se tient aux côtés de l’American Nurses Association, de chaque infirmière dont l’avenir dépend d’un accès équitable à l’éducation supérieure, et de toutes les communautés du monde dont la santé repose sur une solide relève d’infirmières et d’infirmières praticiennes. »
L’American Nurses Association a lancé une pétition demandant l’annulation immédiate de la proposition et le maintien de la reconnaissance des études infirmières comme diplôme professionnel donnant droit au soutien fédéral complet. Plus de 200 000 infirmières et patients l’ont déjà signée : https://ana.quorum.us/campaign/shareyourstoryeducation/