« La profession infirmière mondiale dans son ensemble appelle à l’aide » Les infirmières débattent des moyens de remédier à la grave pénurie mondiale de personnels infirmiers

2 Février 2022
WS 03

Plus de 630 participants de 115 pays, comprenant des dirigeants d’associations nationales d’infirmières du monde entier, ont participé le 28 janvier à un webinaire portant sur le récent rapport sur les personnel infirmiers dans le monde et la pandémie de COVID-19, élaboré par le Conseil International des Infirmières (CII), CGFNS International et le Centre international des migrations d’infirmières (CIMI).

Le rapport, Pérenniser et fidéliser les effectifs en 2022 et au-delà (en anglais), publié le 24 janvier, expose la façon dont la pandémie de COVID-19 a bousculé des effectifs infirmiers mondiaux déjà en situation fragile. La pénurie actuelle de 5,9 millions d’infirmières, à laquelle il faut ajouter quatre millions d’infirmières supplémentaires qui devraient prendre leur retraite au cours des dix prochaines années, démontre que le personnel infirmier était déjà dans une position précaire avant que ne se déclare la pandémie. Le rapport décrit comment « l’effet COVID » a provoqué une augmentation des arrêts de travail, des retraites anticipées et du surmenage, ce qui pourrait pousser de nombreuses autres infirmières à quitter la profession et creuser ainsi la pénurie jusqu’à 13 millions de personnes.

Dans son allocution liminaire, le Dr Pamela Cipriano, la Présidente du CII, a évoqué les peurs que doivent affronter les infirmières et l’importance de les protéger.

« La profession infirmière mondiale dans son ensemble appelle à l’aide. Nos infirmières ne se sentent pas valorisées, elles ne se sentent pas soutenues, et nous savons qu’au fil du temps, nous devrons renforcer notre offre de personnels et la pérenniser, ce qui s’avère beaucoup plus ardu si nous regardons de plus près la situation que nous vivons actuellement. »

Le professeur James Buchan, coauteur du rapport, est intervenu sur les prévisions du rapport concernant les pénuries futures en cas de départs de masse de la profession.

« Il suffit que 4 % d’infirmières de plus quittent la profession pour que l’hémorragie atteigne le million. L’ampleur de l’impact à l’échelon mondial sera énorme si l’on ne se penche pas rapidement sur les problèmes de surmenage et de stress. Les 4 % que nous évoquons sont une estimation très prudente. Entre 8 et 12 % ou davantage, l’ampleur du problème à l’échelon mondial sera visible au grand jour, en particulier dans les pays où la pénurie était manifeste avant même que ne se déclare la pandémie, car l’écart se fera béant. »

Franklin Shaffer, le PDG de CGFNS International et coauteur du rapport, a mis en garde contre un « raz-de-marée » de recrutement international des pays à revenu élevé cherchant une solution de fortune à la pénurie d’infirmières, au détriment des pays à faible revenu. Le Dr Shaffer a rappelé aux participants que chaque infirmière a le droit de migrer, mais que des politiques et des accords bilatéraux doivent être mis en place pour garantir un recrutement éthique des infirmières.

Howard Catton, le Directeur général du CII, également coauteur du rapport, a déclaré qu’il n’y a pas de solution miracle pour régler ce problème, mais qu’il faut mettre en place un « ensemble » d’initiatives stratégiques et des appuis pour fidéliser les infirmières. Il a mis en avant le fait que le salaire constitue un facteur important, au même titre que l’accès aux vaccins, aux équipements de protection individuelle (EPI) et le soutien en matière de santé mentale. Il a émis l’idée que la question du recrutement international soit traitée comme la compensation de notre empreinte carbone.

« Nous souhaitons tous réduire notre empreinte et nos émissions de carbone et nous avons des stratégies de compensation pour choisir d’autres options, planter des arbres, faire croître des forêts, etc. Je pense qu’il y a matière à réfléchir sur la façon dont le mécanisme de compensation pourrait être utilisé pour former plus d’infirmières, ouvrir des écoles d’infirmières et soutenir la croissance et le développement des établissements de santé. »

Les dirigeants de plusieurs associations nationales d’infirmières ont donné un aperçu de la situation dans leur pays, saluant la résilience de leurs infirmières.

María Teresa Maldonado Guiza, la Présidente de la Fédération mexicaine des écoles d’infirmières, a déclaré que les infirmières de son pays ne sont pas écoutées, malgré de nombreuses campagnes. Elle a évoqué les problèmes des contrats temporaires, la nécessité d’une formation plus appropriée et la reconnaissance des infirmières titulaires d’un Master.

Walter de Caro, le Président de l’Association italienne des soins infirmiers, a déclaré qu’environ la moitié du personnel infirmier en Italie a contracté la COVID-19. Le pays compte l’un des ratios d’effectifs les plus faibles d’Europe, se traduisant par des charges de travail élevées, du stress et du surmenage. Ainsi, « les personnalités politiques ont qualifié les infirmières d’héroïnes, promettant nombre d’améliorations pour les soins infirmiers, or, rien n’a changé en termes de salaires, de carrière, d’autonomie. »

Le Dr Agung Waluyo, le Chef de la politique intérieure et des affaires étrangères de l’Association nationale indonésienne des soins infirmiers, a déclaré qu’une étroite collaboration a été établie avec le gouvernement pour organiser des campagnes de vaccination de masse, augmentant très nettement les taux de vaccination dans le pays. Cependant la lutte continue auprès du gouvernement pour obtenir de meilleurs salaires, de meilleures perspectives professionnelles et plus de sécurité.

Le Dr Ching-Min Chen, le Président de l’Association taïwanaise des infirmières, a révélé que le gouvernement a appliqué plusieurs stratégies, dont celle d’accorder la priorité aux agents de santé pour la vaccination et les tests PCR, mais que les infirmières sont toujours confrontées à des charges de travail et à des taux d’infection élevés. L’Association prévoit une pénurie de 15 à 24 000 infirmières d’ici à 2024.

Le Dr José Luis Cobos, le Troisième Vice-Président de l’Association espagnole des soins infirmiers, a déclaré que son pays connaissait déjà un énorme déficit d’infirmières avant la pandémie, que les conditions de travail étaient très précaires et que le niveau de rémunération était faible, sachant que les infirmières doivent suivre une formation universitaire de quatre ans avant de se spécialiser. En Espagne, les infirmières ont été durement touchées par la pandémie. « Nous sommes fatigués, nous sommes surmenés, nous nous sentons négligés et oubliés », a-t-il déclaré. Il a également mis en garde contre le fait de remédier aux pénuries en faisant appel à du personnel moins qualifié et insuffisamment formé, ce qui serait une menace pour la sécurité des patients.

Ellen Ku, la Présidente de l’Association hongkongaise des soins infirmiers, a décrit le rôle des infirmières dans le dépistage et la vaccination durant la pandémie, indiquant que de nombreuses infirmières ayant quitté la profession s’étaient portées volontaires pour participer à ces programmes en raison de la pénurie d’infirmières.

Ruben Lastra, le Secrétaire général de l’Association argentine des infirmières, a appelé à renforcer la formation, à améliorer les conditions de travail et les salaires des infirmières, et soulevé la question de la violence sur le lieu de travail.

Perpetual Ofori-Ampofo, la Présidente de l’Association ghanéenne des infirmières et sages-femmes diplômées, a déclaré que l’émigration d’infirmières constitue l’un des principaux problèmes actuels au Ghana. L’Association collabore avec le Ministère de la santé pour veiller à ce que le recrutement international se fasse dans le respect de l’éthique, et examine la façon dont les infirmières du pays pourraient être fidélisées grâce à une meilleure formation et de meilleures conditions de travail.

Le Dr Cipriano a conclu la réunion en résumant les principaux points soulevés, notamment la fidélisation des personnels infirmiers grâce à une dotation en personnel sûre, une rémunération juste et appropriée, la gestion du stress, l’amélioration des conditions de travail et des garanties de sécurité à travers la vaccination. Elle a rappelé la nécessité d’un recrutement international éthique et de projets de formation dynamiques pour le futur, afin de susciter des vocations pour la profession auprès des étudiants.

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