Journée internationale des infirmières: Étude de cas de la semaine

JII
9 Juin 2020
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En Rhénanie-Palatinat (Allemagne), une approche préventive de l’intégration des personnes âgées dans la communauté

Contribution : Anne Gebert, assistante de recherche, Institut allemand de recherche appliquée en soins infirmiers ; et Professeur Dr. Frank Weidner, Directeur, Institut allemand de recherche appliquée en soins infirmiers et Faculté des sciences infirmières

IND Case study photo - Carmen Faller und Ute Franz von den Gemeiden Herrstein und Rhaunen

 

Le 15 juin, nous marquons la Journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées. Les infirmières, en partenariat avec les familles et d’autres professionnels de santé, ont un rôle clef à jouer dans les soins aux personnes âgées. Compte tenu de l’incidence élevée de la COVID-19 dans les foyers pour personnes âgées, les infirmières qui y travaillent sont d’une importance cruciale pour diriger et coordonner les mesures de prévention et de contrôle de l’infection, de même que pour identifier les infections au plus tôt. L’OMS et les CDC ont publié des lignes directrices au sujet des personnes âgées et du contrôle de l’infection dans les institutions de prise en charge à long terme, portant également sur la santé mentale des adultes âgés à l’isolement ou atteints de déclin cognitif.
Aujourd'hui, nous présentons une expérience allemande d’approche préventive destinée à aider les personnes âgées à vivre de façon autonome au sein de la communauté.

L'objectif du projet Gemeindeschwester-plus (infirmière communautaire) était de mettre en œuvre une approche communautaire préventive pour autonomiser les personnes âgées dans leurs soins personnels, leur existence quotidienne et leurs relations sociales. Le service était prodigué par des infirmières qualifiées, pour le compte d’autorités locales. Le projet comportait deux dimensions essentielles :

  • Offre d’informations et de conseils à domicile pour personnes âgées de plus de 80 ans, non couvertes par l'assurance obligatoire de soins de longue durée, afin de leur permettre de prendre soin d’elles-mêmes et de détecter, le plus tôt possible, leurs besoins d’assistance et d’y apporter des solutions.
  • Améliorer l'infrastructure pour les personnes âgées en informant les autorités locales de leurs besoins ; et soutenir les autorités en initiant les activités et services nécessaires.

Comme d’autres pays occidentaux, l’Allemagne est confrontée à un changement démographique, notamment une forte augmentation de la proportion de personnes âgées au sein de la population. Même si les personnes âgées sont en meilleure santé et sont capables de vivre de manière autonome, chez elles, pendant une période plus longue qu'il y a trente ans, la demande de soins augmente. La plupart des personnes âgées en Allemagne aimeraient rester chez elles le plus longtemps possible. Cette solution est préférable non seulement pour elles, mais aussi pour les collectivités locales. En effet, vivre dans une maison de retraite coûte assez cher en Allemagne et les collectivités sont tenues de payer pour les personnes qui ne peuvent s’acquitter des frais induits. Il est donc dans l’intérêt des deux parties d'offrir aux personnes âgées de meilleures conditions de vie autonome à domicile.

Le service Gemeindeschwester-plus était proposé dans neuf communes de Rhénanie-Palatinat, qui est l'un des seize Länder allemands, une région essentiellement rurale, composée de villages et de petites villes. Or, de nombreux villages ne disposent pas de l’infrastructure communautaire qui permettrait aux personnes âgées de s'intégrer socialement et de gérer leur vie quotidienne.

Le but du service de conseil et d’information à domicile était donc d’informer les personnes âgées et de les orienter vers les activités et services de soutien disponibles, privés et publics, de même que de susciter chez elles un sentiment de sécurité. En outre, les infirmières aidaient les personnes âgées à utiliser leurs propres ressources et à entretenir leur activité sociale et fonctionnelle aussi longtemps que possible. Les infirmières étaient chargées d’informer les autorités locales des besoins de la population âgée, ainsi que d’aider les autorités à lancer les services nécessaires, voire de les initier elles-mêmes. Chaque personne âgée pouvait décider d’accepter ou non de recevoir des visites à domicile.

Les infirmières communautaires concernées ont suivi une formation de 21 jours, axée sur leur propre autonomisation dans la conception du rôle et de la fonction du service. La formation contenait les enseignements suivants : compétences de communication ; connaissances sur l'autonomisation et les ressources individuelles ; détection des signes précoces de handicap ; problèmes de santé du troisième âge ; et réseautage communautaire. En outre, les infirmières ont été formées à l'utilisation d'un processus d'évaluation multidimensionnel comprenant des questions sur les facteurs sociaux, sanitaires, fonctionnels et mentaux. Les infirmières étaient libres de procéder ou non à cette évaluation des patients.

Pour atteindre les personnes âgées, il a fallu mener un travail constant de relations publiques. La plupart des personnes âgées se sont félicitées du service, même si nombre d’entre elles n’étaient pas familières avec les notions de promotion de la santé, d'information préventive et de conseil. Lors d’entretiens menés au marché, les personnes âgées répondaient souvent : « Je vous appellerai quand j’aurai besoin de vous » ou « Je n’ai pas besoin de vos services ». Dans l’esprit des gens, le service était associé à l'aide et aux soins infirmiers en général, plutôt qu'à l'information et aux conseils qui permettent de vivre plus longtemps chez soi de manière autonome.

La formation complémentaire dispensée aux infirmières s’est révélée particulièrement importante pour définir clairement les rôles et les tâches de ce nouveau service. Les infirmières se sont montrées très compétentes dans ces nouveaux rôles.

Des entretiens téléphoniques réalisés avec des personnes âgées ayant reçu les visites des infirmières ont révélé qu'elles étaient mieux informées sur les services locaux, plus sensibles aux questions de santé et qu'elles se sentaient plus en sécurité. Il semble que le fait de connaître une personne de contact sur place suscite la confiance dans la capacité des autorités locales d’aider les personnes âgées en cas de besoin. Plus surprenant, plus de mille personnes âgées ont été mises en relation avec le service d'information sur les prestations de leur assurance obligatoire de soins de longue durée. L'hypothèse est que les personnes âgées sont généralement mal informées sur l'assurance obligatoire de soins de longue durée : le programme a créé l'accès à ce service.

En outre, les infirmières ont lancé plus de 70 activités communautaires, notamment des offres locales d'exercice, de repas en commun, de transport, de sécurité, ainsi que de participation à des activités et services d’appui à la vie quotidienne.

L'approche directe utilisée a permis aux communautés d'établir un contact avec leurs citoyens âgés. Les personnes ayant reçu les visites d’infirmières communautaires ont davantage confiance dans la capacité du secteur public à les aider en cas de besoin, ce qui leur permet de ressentir un sentiment de sécurité dans leur vie quotidienne. D’autre part, le service a informé les autorités locales des conditions de vie et des besoins de la population âgée. Au-delà, les infirmières ont lancé des activités locales afin de susciter de nouvelles occasions de participation des personnes âgées à la vie de la communauté.

Après trois ans et demi, le service est bien implanté dans les neuf communautés concernées. Les résultats montrent qu’il présente des avantages pour les personnes âgées et pour les communautés dans lesquelles elles vivent. De ce fait, le ministère de la santé de Rhénanie-Palatinat a décidé de prolonger et d’étendre le programme.