AUCUN RÉPIT : LA VIOLENCE VISANT LES SOINS DE SANTÉ DURANT LES CONFLITS

25 Mai 2021
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La Safeguarding Health in Conflict Coalition (SHCC, Coalition pour la sauvegarde de la santé dans les situations de conflit), dont le Conseil International des Infirmières (CII) est un membre fondateur, a publié aujourd’hui son huitième rapport annuel recensant l’incidence globale des attaques et des menaces contre les agents de santé, les établissement de santé et les moyens de transport médicaux dans le monde. Le rapport, auquel a contribué le CII, énumère 806 faits de violence visant les soins de santé ou d’obstruction faite à ceux-ci dans 43 pays et territoires en proie à une guerre ou un conflit violent en 2020, allant du bombardement d’hôpitaux au Yémen à l’enlèvement de médecins au Nigéria. Les attaques – dont des meurtres, enlèvements et agressions sexuelles, ainsi que la destruction et la dégradation d’établissements de santé et de moyens de transport médicaux – ont aggravé les menaces pour la santé dans tous les pays, au moment où les systèmes de santé s’efforçaient de faire face et de réagir au début de la pandémie de COVID-19.

Les conclusions montrent que cinq ans après l’adoption de la résolution 2286 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la protection des soins de santé en période de conflit, les actes de violence visant les soins de santé n’ont pas été endigués et l’impunité pour ceux qui les commettent est demeurée constante. Dans une introduction au rapport, le Président de la Coalition, Leonard Rubenstein, relève que : « Les causes de la violence sont diverses et parfois complexes, mais l’explication de la persistance de l’impunité ne l’est pas. Les États n’ont pas respecté leurs engagements à prendre des mesures – de leur côté ou dans le cadre d’un effort international – pour prévenir ces violences ou faire en sorte que leurs auteurs répondent de leurs actes. »

Le rapport, intitulé Aucun répit : la violence visant les soins de santé durant les conflits, fait état d’au moins 185 agents de santé tués et 117 enlevés. Les pays ayant subi le plus grand nombre d’attaques sont l’Afghanistan, la Libye, la République démocratique du Congo (RDC), la Syrie, les territoires palestiniens occupés (TPO) et le Yémen. Bien que leur nombre (806) se soit légèrement infléchi comparé aux chiffres globaux référencés par la Coalition en 2019 (1 203), les meurtres sont en hausse de 25 pour cent et les enlèvements ont augmenté de 65 pour cent. Dans le même temps, au cours de la pandémie de COVID-19, plus de 400 actes de violence visant les soins de santé ont été recensés.

Howard Catton, le Directeur général du CII, a déclaré : « Ce rapport montre clairement que les efforts déployés au niveau mondial pour protéger nos agents de santé en première ligne des soins dans les zones de conflit sont bien loin d’être suffisants. L’atteinte aux droits des agents de santé constitue une crise sanitaire et humanitaire. Nos infirmières, qu’elles soient dans les zones de conflit ou sur la ligne de front mondiale contre la COVID-19, sont particulièrement exposées à la violence. Le droit international humanitaire doit être respecté mais également appliqué sur le terrain pour protéger les infirmières et les autres agents de santé, qui sont au cœur de nos systèmes de santé. L’Organisation mondiale de la Santé a proclamé 2021 Année des personnels de santé et d’aide à la personne, aussi la protection de nos agents de santé doit figurer en tête des priorités. »

« La violence à l’égard des agents de santé a pris toutes sortes de formes abjects : tirs sur les ambulances, bombardements d’hôpitaux et même tireurs embusqués visant les médecins », a déclaré Christina Wille, la Directrice d’Insecurity Insight, qui a piloté la collecte de données. « On ne connaît pas la véritable ampleur de la violence, car de nombreux pays, établissements de santé et organisations, ne rendent pas compte de leur expérience. Pourtant, nous devons garder à l’esprit que chaque incident est une tragédie en soi et constitue la perte d’un membre de la famille et d’un collègue. »

Les données complètes pour 2020 citées dans le rapport sont accessibles sur la page Attacks on Health Care in Countries in Conflict (Attaques visant les soins de santé dans les pays en conflit) d’Insecurity Insight – Humanitarian Data Exchange (HDX). Les données et les analyses relatives aux 17 pays et territoires ayant enregistré le plus grand nombre d’incidents sont disponibles sous forme d’ensembles de données individuels dans des fiches d’information distinctes intégrées dans le rapport.

CONSULTEZ ICI LE RAPPORT COMPLET

Une carte interactive et un rapport publiés en mars 2021 par Insecurity Insight, membre de la Coalition, font référence à 412 autres actes de violence visant la santé, à l’instar d’attaques visant des centres de dépistage et le ciblage d’agents de santé, à mettre en relation directe avec la pandémie de COVID-19.

Dans les cinq années qui ont suivi l’adoption de la résolution 2286 du Conseil de sécurité, dans 14 conflits, la population a subi plus de 50 actes de violence visant les soins de santé ; dans huit conflits, plus de 100 incidents de ce type ; dans cinq, plus de 200 ; et dans quatre autres, plus de 300.

Le rapport signale que les États n’ont pas pris les mesures convenues dans la résolution et que le Secrétaire général de l’ONU avait exhorté à mettre en œuvre dans ses recommandations. Les mesures sont les suivantes :

  • Veiller à ce que les armées intègrent des mesures concrètes visant à assurer la protection des blessés, des malades et des services médicaux dans la planification et la conduite de leurs opérations ;
  • Adopter des cadres juridiques nationaux pour garantir le respect des soins de santé, en excluant en particulier des sanctions prévues par les lois nationales antiterroristes le fait de dispenser des soins de santé impartiaux ;
  • Recueillir des données sur les manœuvres d’obstruction, les menaces et les attaques physiques visant les soins de santé ;
  • Conduire sans tarder des procédures d’enquête et de reddition de comptes impartiales et efficaces à l’intérieur de la juridiction des États sur les atteintes au droit international humanitaire en rapport avec les soins de santé ;
  • Saisie, par le Conseil de sécurité, de la Cour pénale internationale, dans les cas où il existe des preuves de crimes de guerre relatifs à la violence visant les soins de santé, comme en Syrie ;
  • Liste des États dont le Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé aura établi qu’ils se sont livrés à des actes de violence contre des hôpitaux, en annexe du rapport annuel du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de conflit armé ;
  • Cesser la vente d’armes utilisées pour commettre des actes de violence visant les soins de santé.

En publiant ce rapport, la Coalition a prié le Secrétaire général de l’ONU de faire état des actions ou de l’inaction des États Membres concernant les engagements pris il y a cinq ans, et a recommandé la nomination d’un rapporteur spécial ou d’un représentant spécial chargé de rendre compte sur les pays et les thèmes, dans la perspective d’une reddition de compte, afin de veiller à ce que la protection de la santé dans les conflits ne soit pas que vains mots.

« Comme si la pandémie de COVID-19 et les autres menaces sanitaires ne suffisaient pas, chaque jour, les agents de santé sont confrontés au risque d’une attaque violente », a déclaré Joe Amon, le Directeur du service Santé mondiale à la Dornsife School of Public Health de l’Université Drexel, partenaire de la Coalition. « Nous avons besoin d’une intervention d’urgence ciblant non pas un virus, mais notre échec collectif à protéger les agents de santé, les établissements de santé et les ambulances, et il faut veiller à ce qu’indépendamment du contexte, l’accès aux soins de santé soit prémuni des dangers, tout comme les agents de santé. » Contact : [email protected] ; téléphone : +1 609-336-5582.

« Aucun patient ne devrait craindre pour sa sécurité lorsqu’il cherche à se faire soigner, ni vivre dans la peur alors que la maladie le rend déjà vulnérable. Les prestataires de soins de santé ne devraient jamais risquer leur vie alors qu’ils assument leurs obligations morales. Les atteintes au droit à un accès sûr aux soins de santé ne peuvent continuer à être la norme et les auteurs de ces atteintes doivent répondre de leurs crimes », a déclaré Houssam al-Nahhas, médecin syrien, chercheur sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord au sein de l’association Physicians for Human Rights.

MÉTHODES : le rapport a appliqué une approche reposant sur les faits pour répertorier les attaques visant les soins de santé et a utilisé des sources multiples et recoupées. Les informations ont été regroupées dans un seul ensemble de données sur les incidents enregistrés et codés en utilisant des définitions standard. Elles sont disponibles sur le site Humanitarian Data Exchange. Les informations ont été recueillies et analysées par Insecurity Insight. Les organisations membres de la Coalition ont fourni des informations supplémentaires provenant de leurs domaines d’intervention et de recherche respectifs.

La Safeguarding Health in Conflict Coalition est un groupe d’organisations internationales non gouvernementales s’efforçant de protéger les agents, les services et les infrastructures de santé.

Le Comité directeur de la SHCC, qui compte plus de 40 membres, comprend : Center for Public Health and Human Rights de la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, IntraHealth International, Human Rights Watch, Insecurity Insight, Conseil International des Infirmières, Fédération internationale des associations d’étudiants en médecine, Johns Hopkins Center for Humanitarian Health, Management Sciences for Health, Medact, Office of Global Health, Dornsife School of Public Health de l’Université Drexel, Physicians for Human Rights, Syrian American Medical Society, Watchlist sur les enfants et les conflits armés et Human Rights Center de la Faculté de droit de l’Université de Californie à Berkeley.

CONTACTS MÉDIAS : Richard Elliott, Directeur de la Communication et événements du CII, [email protected] ; Jenny Jun, Center for Public Health and Human Rights à la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, [email protected]